L’importance de la doula pour prévenir la dépression post partum
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L’intimité du post partum a été mis sur la place publique des réseaux sociaux en 2020, par Illana Weizman. Celle-ci poste une photo d’elle en slip filet, avec son fils dans les bras. Une photo simple, sans fioriture. Et elle fait l’effet d’un électrochoc.

Loin de l’image glamour véhiculée habituellement sur les réseaux sociaux, son portrait fait le tour du monde en peu de temps, et finit par devenir virale. Le hashtag monpostpartum se place également en top tweet sur Twitter en une journée. Les femmes se mettent à parler de ce qu’elles cachaient habituellement, par pudeur, discrétion, ou encore honte, gêne, à l’égard d’elle-même ou de la société.

Depuis quelques mois, la dépression du post-partum commence également à être un sujet qui se démocratise. Dont on a moins honte.

Qu’est-ce qu’une dépression du post partum alors ?

Cette dépression du post partum survient donc après l’accouchement, et n’est ni délirante, ni psychotique.

On peut noter que 10 à 15% des mères ont un diagnostic de dépression, ce qui représente, pour la France, entre 75 000 et 100 000 femmes par an ! Ce chiffre ne tient pas compte des mères également en dépression, mais qui sont dans le déni, ou ne consultent pas, et n’ont donc pas de diagnostic posé.

 

Quels sont les signes évocateurs de cette dépression ?

  • Mouvement de retrait de la maman : s’isole, regarde ailleurs. Paraît découragée, met son bébé à distance, est indifférente. Irritable quand son bébé la réclame.
  • Ralentissement global : Ralentissement des gestes, de la réflexion. Difficultés à réfléchir, à se souvenir. Laisser aller physique.
  • Agitation anxieuse : cherche à être une bonne mère, ou une mère « idéale ». Devient angoissée, irritable. N’arrive plus à dormir et la fatigue s’accumule jusqu’à épuisement parfois. Hypervigilance.
  • Autodépréciation, culpabilité : Se sent jugée en permanence. Par elle, par son entourage. Chaque difficulté avec son bébé alimente ses pensées.
  • Troubles somatiques divers : maux de têtes, troubles digestifs, palpitations, sentiment d’étouffement…

 

Quelle place peut-on prendre en tant que doula, pour la prévenir ?

Tout d’abord, il faut garder en tête que nous ne sommes ni psychologues, ni psychiatres et que nous n’avons aucun droit de décision sur la maman.

La dépression du post partum est parfois inévitable, au regard du vécu de la maman. Tout dépend de son histoire : traumatisme passé, traumatisme lié à l’accouchement, prématurité, deuil.

Mais parfois, celle-ci prend racine dans l’isolement, la solitude, le manque d’écoute, de compassion, d’aide de l’entourage, de réassurance et de confiance dont fait preuve la maman.

Ce sont sur ces point précis que nous pouvons agir, en tant que doula :

1. Offrir un accompagnement prénatal

Suivre une future mère en prénatal, c’est lui apporter douceur, soutien, écoute et non jugement. C’est lui donner confiance en elle, en ses capacités corporelles et mentales, d’être capable d’accoucher et capable de s’occuper pleinement de son bébé.

C’est lui offrir une oreille attentive pour recevoir ses peurs, ses questionnements, ses envies, ses besoins et l’accompagner dans cette direction.

C’est discuter des éventualités de son accouchement, de son lieu de naissance, de son choix d’accouchement.

C’est accompagner la maman à aborder pleinement ce nouveau rôle, qui sera le sien dans les jours à venir.

 

2. Être présente à l’accouchement

Être présente lors de l’accouchement, c’est se focaliser sur la maman. Lui redonner ses pleins pouvoirs. Lui donner les moyens d’être tournée uniquement vers ses sentiments, ses sensations, sa propre écoute, sa douleur et sa connexion avec son bébé.

En assurant les détails pratiques, le lien avec le personnel médical si besoin est et le lien avec la fratrie, vous favorisez l’équipe partenaire-maman. Vous leur laissez toute la place d’être en symbiose l’un avec l’autre. De se préparer ensemble, main dans la main, à accueillir leur nouveau-né.

Toutes ces composantes aident à favoriser l’ocytocine, hormone utile au bon déroulement de l’accouchement. Vous réduisez les sources possibles d’anxiété et de montagnes russes émotionnelles, nuisibles au travail.

Ces éléments pris en compte, le risque de surmédicalisation de l’accouchement diminue.  Donc de trauma lié à l’accouchement, qui intervient principalement lors de surmédicalisation, par le principe de cascade cause-effet.

 

3. Être présente dès le jour de l’accouchement, ou très peu de temps après

Dès que les parents souhaitent vous voir, c’est le bon moment ! Votre présence peut être bénéfique à plusieurs niveaux !

  • Déjà, des félicitations, mais ça tu le sais ! Et chose à laquelle on ne pense pas forcément, mais délicatement, au détour de la conversation, aborder le déroulement de l’accouchement, si vous n’étiez pas présente, sinon, faire un débrief.
  • Quelles étaient les sensations ? Ce qu’elle a aimé ? Ou moins ? Mettre des mots à chaud sur son accouchement permet de poser directement ses intentions, de tout de suite se délester de ses sentiments et émotions. Ce point est important, afin que la maman n’enclenche pas un cercle de refoulement, puis de tourner les choses en boucle, pendant des jours, des mois, voire des années.
  • Question cruciale à poser également : comment vas-tu aujourd’hui ? Comment te sens-tu ? Comme vous le savez, la maman, une fois son bébé dans les bras, passe au second plan. S’intéresser à elle, ce qu’elle ressent, comment elle va, lui permet à nouveau de verbaliser et de libérer ses émotions. Cela lui montre également que l’on se soucie d’elle, qu’elle a de la valeur et n’est pas oubliée. Or, on sait que le sentiment de perte d’importance/ignorance est une des racines de la dépression.
  • Une attention particulière peut être la bienvenue. Que votre maman voie que vous lui témoigner une attention propre à elle, et pas à n’importe quelle maman que vous accompagnez. Repérez un de ses goûts : une fleur qu’elle aime, une collation dont elle vous a parlé…
  • Pour terminer, rassurer la maman dans ses choix, sur le fait que c’est une bonne mère, et ce, même si elle se sent gauche, pas douée. Cette phrase est à plus forte raison vraie pour les naissances en maternité. La maman reçoit différents conseils de différentes personnes. Et parmi tous ces conseils, elle peut se sentir désemparée, et ne plus savoir quoi faire. Votre rôle est donc indispensable à ce moment-là.

Ces éléments cités sont aussi, à forte raison, valables en cas de prématurité et de deuil périnatal.

Peut-être que les parents vous mettront à l’écart, parce que leur tête ne sera pas à la parole, au partage, à la célébration, mais entièrement tournée vers leur bébé, qui n’est pas encore dans leurs bras ou ne le sera jamais.

Soyez douce, et témoignez-leur de votre présence et vos meilleures pensées délicatement. Le temps viendra où ils seront prêts à vous parler, et vous laisser à nouveau une place dans leur vie.

 

4. Apporter un soutien pratique

Une des racines de la dépression du post-partum, est également le sentiment de solitude, d’isolement, et de surmenage par manque d’aide/relai. Or, cette maman a besoin, comme tu le sais, de créer le lien avec son bébé. D’être déchargée de toute contrainte, idéalement pendant les 40 jours postnatal.

Vous pouvez intervenir sur ces différents sujets :

  • Avec bébé : si le couple en formule le souhait, vous pouvez prendre le relai quelques heures pour vous occuper de bébé, le temps que la maman fasse ce que bon lui semble, finalement. Dormir, lire, prendre une douche, même ne rien faire !
  • Pour le ménage : lessives (dieu sait qu’un bébé, ça use du linge aux débuts !), passage d’aspirateur et serpillère, nettoyage des toilettes, salle de bain, des biberons… Si ce n’est pas vous qui le faites, en discuter en prénatal avec les parents, sur les possibilités d’organisation : aide à domicile, relai famille-amis-partenaire… le tout étant que la maman soit tranquille un maximum de temps.
  • Avec les repas : soit en préparant à domicile, soit en utilisant les plats préparés avant la naissance. Le tout est d’avoir un maximum de nourriture chaude, nutritive, et aussi réconfortante pour la maman (même si c’est du chocolat ou les lasagnes !)
  • Auprès de la fratrie : prendre du temps avec la fratrie, venir en soutien aux parents. Aider d’un point de vue logistique, mais aussi émotionnel.

 

5. Être une oreille attentive, un espace sécure de parole et dans le non-jugement

Devenir mère, c’est entrer dans la matrescence. C’est quitter son rôle de « fille de », pour endosser le rôle de « mère de ». C’est avoir un bébé dépendant de soi jour et nuit. Qui peut ne pas beaucoup dormir et beaucoup pleurer aussi. Ne plus être seule, même pour aller aux toilettes !

C’est perdre son identité et ses repères d’autrefois. C’est se construire différemment, composer avec. C’est douter de ses choix, et de sa façon d’être et de faire.

Plusieurs signes de dépression du post-partum sont l’hypervigilance accrue, la peur du jugement, et la dévalorisation.

L’espace sécure de parole et de non-jugement ont tout leur intérêt ici.

En permettant à cette maman de parler, d’être entendue, écouter sans jugement aucun, permet de libérer ses émotions et sentiments ambivalents, contradictoires, déstabilisants parfois. C’est pour elle, être capable de verbaliser tous ses sentiments négatifs qu’elle garde pour elle principalement, par gêne, honte, culpabilité, peur de déranger. Amorcer un dialogue est fondamental.

 

6. Proposer un soin/rituel postnatal pour reconnecter avec son corps et ses sensations

On le sait, les premiers temps du postnatal, la mère vit principalement dans sa tête et se déconnecte de son corps, pour assurer les besoins de son nouveau-né. C’est ce qui explique qu’une mère en oublie fréquemment de boire, de manger, et même d’aller aux toilettes. Ses propres besoins vitaux passent en arrière-plan.

C’est un des terreaux de la dépression, lorsque ce phénomène se répète sur des jours, des semaines, des mois.

La mère s’oublie littéralement, et devient transparente pour elle-même. Son esprit commande son corps. Corps fréquemment dissimulé, oublié, ignoré.

Alors votre rôle, si vous en avez la possibilité, est de lui proposer un soin/un rituel, réalisé par vous, ou une professionnelle de confiance, pour la reconnecter à elle. Lui rappeler qu’elle a également un corps, que des sensations la parcourent. Que son corps peut être source de détente, de joie, de plaisir.

 

7. Quand votre soutien ne suffit plus

Si vous détectez les signes d’une dépression du post-partum durant votre accompagnement, alors suggérez avec tact, délicatesse, bienveillance, à la maman et au partenaire, de consulter sage-femme, médecin traitant, ou tout professionnel de santé auprès de qui la maman a confiance. Vous n’êtes pas prescriptrice, et n’avez pas à signaler vous-même la maman, elle seule peut décider de prendre soin d’elle et de se faire aider.

Quant à vous, vous aurez fait tout ce qui était en votre pouvoir, pour l’accompagner du mieux que possible, dans son nouveau rôle de mère. Et être doula, c’est exactement ça.

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Par Marion Vehovec
Étudiante en fin de cursus à la certification doula & coach périnatal en ligne de la Faculté École Doula de l’École internationale d’accompagnement Cybèle

Rejoignez le groupe d’informations de la Faculté École Doula Cybèle

 

Sources : 

Manuel de psychologie clinique de la périnatalité, Sylvain Missonnier

Le mois d’or, Bien vivre le premier mois après l’accouchement, Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin

L’aide-mémoire de maternologie, JM Delassus

Date de publication :

  • 27 Mai, 2021
  • © École internationale d’accompagnement Cybèle Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

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